jeudi 17 février 2011

L'avenir de l'industrie musicale passera-t-il par la gratuité ?

"Quand tu vois qu'à un moment donné, le gars, il écoute 35 fois la même chanson, tu te dis que quand même, au bout d'un moment, le mec, le disque, il va bien falloir qu'il l'achète !"
Non, il ne s'agit pas d'un extrait d'un sketch inédit de Jean-Marie Bigard, mais bien d'un commentaire proféré récemment sur les ondes d'une radio nationale par Pascal Nègre, auquel, il faut bien le dire, la fonction de PDG d'Universal Music France confère une classe et un châtiment de langage hors du commun...
Vous l'aurez compris, l'énervant petit homme s'attaque à Deezer en s'opposant farouchement à l'écoute gratuite de chansons, car il estime que le système lui fait perdre de l'argent.
Mais qu'en est-il réellement ? Le supposé manque à gagner d'Universal est-il réellement imputable à la plate-forme d'écoute légale ?
Depuis l'arrivée du format d'écoute numérique et de la dématérialisation du support, les majors (et notamment Universal Music par l'intermédiaire de son très médiatique président), hurlent au scandale en pointant du doigt leurs chiffres de prévisions de ventes annuelles, jamais assez gonflées à leur goût.

Pourtant, en prenant un peu de recul, il est aisé de nuancer leurs propos, à tel point que l'on se demande pour quelles raisons les maisons de disques campent toujours sur leurs positions arriéristes. Car c'est probablement là que le bas blesse : les majors, dirigées par des dinosaures de l'industrie du disque, n'ont pas vu arriver la mutation du business model, et n'entendent pas grand chose en termes de nouvelles technologies. Le même Pascal Négre, interviewé il y a quelques années sur une chaine nationale, expliquait sans sourciller (et probablement convaincu de ce qu'il avançait), que le piratage n'était le fait que de "petits génies informatiques" (selon ses termes), qui infiltraient les ordinateurs d'Universal pour y voler les titres... (sic !)
En ce qui concerne le téléchargement illégal, une très sérieuse étude canadienne de 2006 minimisait l'impact du peer-to-peer sur les baisses de ventes de disques, plus certainement imputables au prix et au manque de qualité des productions actuelles. Faisant la sourde oreille, les majors continuent néanmoins de rejeter le poids de leurs carences sur le téléchargement et, sur fond d'Hadopi, décident à présent de trouver un nouveau bouc émissaire en ciblant les plate-formes de streaming légal.
Il est pourtant évident que le modèle du gratuit est un modèle d'avenir, idéalement adapté en réponse aux mutations de l'industrie musicale, et, par extension, à celles des médias en général.
Le meilleur exemple en est l'émergence des journaux gratuits, tels que 20 minutes ou Métro, dont les audiences record et le taux de reprise en main exceptionnel (car distribués dans la rue), génèrent des apports publicitaires extrêmement conséquents, permettant une indéniable qualité en termes journalistiques, sans avoir rien à envier aux journaux payants.
On se demande alors pourquoi ne pas transposer ce schéma sur l'industrie musicale ?
Imaginez Universal Music proposant l'intégralité de son catalogue en téléchargement gratuit, de qualité et sans DRM. Il est évident que l'audience d'une telle plate-forme serait énorme, et les annonceurs, ne s'y trompant pas, viendraient en masse générant des revenus considérables.
Même si, à l'instar du site Beezik.com, de timides initiatives semblent aujourd'hui aller dans ce sens, un tel modèle ne pourra être réellement efficace et générateur de gros bénéfices que si les maisons de disques elles-mêmes sont à l'initiative de ces plates-formes, limitant ainsi le nombre d'intermédiaires.
Combien de temps faudra-t-il encore à l'industrie musicale pour s'adapter aux mutations du marché ?
Pendant combien de temps mettra-t-elle encore des bâtons dans les roues des acteurs essentiels de ce changement ?...



Visitez www.docretouch.com

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire